2015-06-04

D _ Dardanelles

Marius (2)

Marius (1) racontait mon grand-père blessé en 1914. 
Je vais vous confier les mots terriblement émouvants de son journal de guerre aux Dardanelles.

« … On respire l’odeur acre et amère de la poudre, nous piétinons les cadavres, les mourants, mais nous avançons, je ne sens rien, je marche, je cours, […] ce spectacle ne nous émeut point, pourtant il est horrible. […] C’est alors que bon nombre des nôtres tombent. … »

À partir du 21 mars 1915, Marius est affecté à l’armée d’Orient, avec le grade de sergent, au 7ème régiment mixte d’infanterie coloniale.
Le Lutetia, sur lequel il embarque, quitte Toulon le 2 mai 1915 « Nous sommes à bord environ 4000 hommes, coloniaux, Sénégalais, … »


« Le 6 nous mouillons en face du cap Helès (presqu’ile de Gallipoli) au milieu des navires de guerre … »
 Les hommes débarquent le 7 mai.
« Là le général Bailloud vient nous visiter et en passant nous dit que nous arriverons peut-être à temps pour prendre part à l’assaut qui va être donné contre les positions turques. »
8 mai : Marius est blessé à la racine du tibia, c’est une chance de pouvoir échapper pour un temps à l’enfer de cette guerre stupide. Mourront la plupart des hommes qui sont engagés là.
Mon grand-père soigné au dépôt des éclopés a hâte de revenir auprès de ses compagnons, « malheureusement il en manque pas mal. »
« Hier soir la canonnade était très intense dans le détroit. » Les obus tombent tout près. Un soir, il s’attend à une arrivée de blessés, le navire anglais a été torpillé, personne n’en réchappe.

Début juin, le sergent retrouve les tranchées du front, les soldats avancent et reculent de quelques mètres sous les feux des ennemis turcs et des alliés.
Le 30 juin : Marius décrit l’enfer dans son carnet, son récit haletant est terrible.

« Je suis en tête de ma section, d’un coup d’œil, je m’assure que tout le monde suit. Je crie : en avant, suivez moi, et je pars vers le but qui m’a été désigné la veille, les hommes suivent : Les balles sifflent, les obus tombent nous couvrant de débris, de poussière, on respire l’odeur acre et amère de la poudre, nous piétinons les cadavres, les mourants, mais nous avançons, je ne sens rien, je marche, je cours, les Turcs s’enfuient, je ne vois rien que la tranchée à occuper c’est là que je me dirige, elle est comblée de cadavres turcs, les uns couchés sur le dos , d’autres recroquevillés, d’autres les membres déchiquetés, l’un d’eux est assis tenant son fusil à la main, on le croirait en faction, il a la tête sectionnée au niveau de la bouche ; ce spectacle ne nous émeut point, pourtant il est horrible. […] C’est alors que bon nombre des nôtres tombent. … »  


1917 
Marius avant son départ
au front d'Orient
il est en deuil de sa mère
Marius est blessé à l’avant-bras gauche par balle et à l'épaule gauche par éclat de grenade.

Il est évacué sur le navire hôpital 
« Le Tchad » et sera soigné à Nice, 
à l’hôtel d'Angleterre transformé 
en hôpital.

Ici s’arrête son carnet de 1915
le suivant n’a pas été conservé.

Le 5 mai 1917  
« passé au 72e bataillon Sénégalais »

Son quatrième journal de guerre commence
alors qu’il embarque pour la troisième fois pour rejoindre le front d’Orient.





6 commentaires:

  1. Quel terrible témoignage ! C'est une chance d'avoir pu conserver ces carnets et de savoir ainsi ce qu'il a vécu.
    Merci pour le partage !
    Elise

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  2. Bonjour,

    Quelle chance d'avoir de tels documents ! Passionnant !

    Guillaume

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  3. Les Dardanelles a été un échec cuisant pour les troupes anglo-françaises et une véritable boucherie.
    Un de mes ancêtres indirects n'a pas eu le temps d'y parvenir. il est mort dans le torpillage du Provence II le 26 février 1916.

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  4. Oua pas évident. Super source que d'avoir son journal !

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  5. Le journal de Marius, je l'ai ouvert il y a quelques mois. Il attendait tout près dans mon armoire, dans une mallette fermée à clé, sur laquelle planait un vieux tabou. J'éprouve encore de la peine et de l'enthousiasme à le tenir dans mes mains.
    Grace au #ChallengeAZ j'ai enfin réussi à le sortir de l'ombre.

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  6. C'est super de pouvoir faire sa généalogie avec les documents écrits de ses propres aïeux. Une chance qu'il faut conserver précieusement pour les futures générations. Les remettre au AD ? pour les familles "sans passion généalogique" oui, mais pour vous se serait dommage. Continuez.

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